Par un arrêt du 4 avril 2023, la Cour d’appel de Paris (n°22/05320) a rendu une décision pour le moins étonnante.
Pour rappel, l’article L. 227-9 du Code de commerce, relatif à la SAS, précise simplement que : « Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient. »
Dans cette affaire, les statuts de la SAS stipulaient que « les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ».
Une assemblée générale a été réunie pour procéder au vote d’une augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription au profit d’un tiers. La résolution a été adoptée par 46% de voix pour et 54% de voix contre.
Les associés majoritaires ont assigné la société et ses associés en annulation de la délibération litigieuse et nullité de l’article des statuts relatif aux modalités d’adoption des décisions collectives de la société. Cette demande a été rejetée par le Tribunal de commerce de Paris, puis par la Cour d’appel de Paris le 20 décembre 2018, au motif que la résolution litigieuse avait été adoptée conformément aux statuts.
Par un arrêt du 19 janvier 2022, la Cour de cassation, au visa de l’article L. 227-9 du Code de commerce, avait considéré que, si les associés de la SAS disposent d’une grande liberté pour déterminer dans les statuts la majorité pour adopter des résolutions en assemblée générale, cette liberté ne leur permet pas d’adopter des résolutions à la minorité des voix, l’instauration d’une majorité étant nécessaire pour départager les votes favorables et défavorables.
Statuant sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Paris a choisi, en dépit du bon sens, de résister à la position de la Cour de cassation, en considérant que l’article L. 227-9 du Code de commerce ne comporte aucune exigence relative à la majorité et, qu’en l’espèce, les statuts de la SAS « ne prévoient pas l’adoption des décisions collectives selon une règle de majorité, nonobstant le terme maladroitement emprunté, mais selon une condition de seuil, la résolution soumise au vote étant adoptée dès que le seuil du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, est atteint ».
S’il est exact que l’article L. 227-9 du Code de commerce ne prévoit pas que les décisions en assemblée générale doivent être adoptées par la majorité des actionnaires, il n’en demeure pas moins que la décision rendue (peut-être justifiée, en l’espèce, par les difficultés financières de la société, qui nécessitaient une recapitalisation) aboutit en pratique à valider des clauses statutaires dénuées de sens : l’instauration d’un organe collégial a en effet précisément pour objectif de départager les partisans et les opposants à l’adoption d’une décision.
Il est probable qu’un nouveau pourvoi soit formé contre cet arrêt et que l’Assemblée Plénière ait à statuer sur cette question.
Dans cette attente, nous ne pouvons que recommander de ne jamais recourir à ce type de clause, au risque d’aboutir à des situations aberrantes.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter Fabien Courvoisier, avocat associé en Corporate.